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Villa Dolorosa, de Rebekka Kricheldorf

Encore inconnue en France alors qu’elle est, outre-Rhin, reconnue comme l’une des auteures de théâtre les plus talentueuses du moment, Rebekka Kricheldorf compose avec Villa Dolorosa un tableau grinçant et décalé de la société occidentale contemporaine.

Maniant l’art du portrait avec un mordant venimeux, Kricheldorf propose, dans Villa Dolorosa, une nouvelle version des Trois Sœurs. Cette réécriture du célèbre texte de Tchekhov transpose, non sans impertinence, le mal de vivre d’Irina, Olga et Macha dans une société où le cynisme a tout emporté et où l’Histoire n’a plus de sens, un monde où tout va très vite sans que, pourtant, rien ne change vraiment année après année. Car année après année, il faut fêter son anniversaire selon le même rituel aliénant et attendre désespérément que la vie advienne, qu’il se passe enfin quelque chose, qu’une révélation ontologique se produise. Mais rien… Désormais, à la différence de leurs aînées russes, les personnages, devenues allemandes, ne peuvent même plus s’ennuyer de bonne foi : elles se savent prises dans une trame de vie stéréotypée, incapables pourtant de s’en extraire, condamnée à être les habitantes éculées d’un monde qui se détériore, qu’elles n’aiment ni de comprennent vraiment. Ainsi, dans leur Villa Dolorosa, chacune des trois sœurs suit un véritable chemin de croix. Et leur calvaire est jubilatoire.

 
 
« Je les ai aimés les parents, mais ça me met en colère, on n'a pas le droit d'abuser de ses enfants comme ça, on nous a aussi donné beaucoup trop de choses à lire, j'ai lu Kafka dès douze ans, Faust à treize ans, Sade à quatorze ans, bien sûr j'ai rien compris du tout, mais quand même plus que ce que j'aurais voulu, les autres enfants, ils lisaient des livres pour enfants, mais nos parents ne croyaient pas en l'enfance, ils disaient que l'enfance était une invention de la Renaissance, qu'avant il n'y avait ni enfants ni adultes, il n'y avait que des jeunes et des vieux, et tous les autres enfants nous enviaients, mais nous, on n'a jamais lu de BD... »

Irina dans Villa Dolorosa de Rebekka Kricheldorf