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Matin et soir
de Jon Fosse

2007

« Puisque l’on naît sans moi, et que l’on meurt parfois en ayant tout oublié de lui, où loger cet « organe » ? »

Claude Arnaud 

Le pêcheur Johannes est arrivé au soir de sa vie. Mais que se passe-t-il aujourd’hui ? Il a un sentiment étrange, il s’est senti si léger au réveil, et autour de lui tout semble flotter, comme si les objets « contenaient plus de terre mais aussi plus de ciel, oui c’est presque ça ». Et pourtant tout est comme d’habitude, ne cesse-t-il de se répéter. N’a-t-il pas pris son petit déjeuner, comme tous les matins ? N’a-t-il pas mangé sa tartine au fromage de chèvre, comme tous les matins ? N’a-t-il pas fumé une cigarette avant de se mettre en route, comme tous les matins ? Mais alors, d’où vient la sensation que tout est différent ? Et pourquoi, alors que le ciel lui paraissait si gris, un soleil généreux s’est-il brusquement mis à briller ? Et son ami Peter, qu’il voit sur la grève, n’est-il pas mort depuis bien longtemps ? Et est-il possible que ce soit Anna, son premier amour, qui apparaisse longeant le quai ? Mais n’est-elle pas morte elle aussi l’année dernière, à moins que ce ne soit l’année d’avant ? Il faut croire que non. Mais alors pourquoi a-t-il imaginé qu’elle était morte ? Et pourquoi Peter veut-il l’emmener sur sa barque pontée, vers la haute mer à l’ouest, plus loin qu’il n’est jamais allé ?

A travers ce récit, et sans rien nous expliquer (puisque le théâtre, pour Jon Fosse, doit d’abord nous faire ressentir, nous faire entendre quelque chose « par les émotions »), l’auteur norvégien bouscule doucement nos certitudes et angoisses liées à la vie et à la mort.

— Générique

Matin et soir  Jon Fosse

Traduit du norvégien par Terje Sinding

Mise en scène et adaptation Guillaume Béguin

Jeu Joël Maillard, Christian Robert-Charrue, Anne-Frédérique Rochat

Scénographie Valentine Schopfer

Lumière Dominique Dardant

Assistanat à la mise en scène Tati Scaglione

Son Filippo Gonteri

Costumes Géraldine Orinovski

Maquillage Sorana Dumitru

Régie Dany Clot

Presse Isabelle Vuong

Photos Sami Khadraoui

Production Compagnie de nuit comme de jour

L’arche est agent théâtral du texte représenté
Sous le patronage de l’Ambassade Royale de Norvège en Suisse

avec le soutien de la Ville de Lausanne, de la Loterie Romande, de Stanley Thomas Johnson Foundation, de Ernst Göhner Stiftung, de l’Etat de Vaud, du Pour-cent culturel Migros et de Jürg George Bürki-Stiftung

— dates

Théâtre 2.21
du 29 mai au 17 juin 2007
www.theatre221.ch

— Photos du spectacle

Note d’intention du metteur en scène

J’ai été frappé par un sondage réalisé en 2005 indiquant que 64% des Suisses disent croire à une vie après la mort. Alors que les églises se vident et que notre société matérialiste et technologique semble tenir de plus en plus la mort à distance, deux tiers de la population veut croire que la naissance et la mort ne sont pas le début et le terme de la vie mais seulement des « passages » vers une autre forme d’existence. C’est précisément le thème de Matin et soir, où Jon Fosse explore cette question de « l’avant » et de « l’après ». Peter, l’ami de Johannes qui est venu le chercher pour l’emmener dans « l’après » se méfie des mots, et de toute tentative d’explication trop simpliste. Il indique seulement que là où ils vont, « il n’y a pas de toi et de moi ».

C’est en effet là la force de ce récit, qui, par sa forme même, suggère que les identités glissent les unes dans les autres. Comme le suggérait David Hume dans son Traité de la nature humaine, « l’humanité n’est rien d’autre qu’un paquet ou une collection de différentes perceptions, qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et sont en mouvement et en changements continuels ». Matin et soir ressemble bien à une « collection » de sensations qui se succèdent, sensations qui ne sont plus tout à fait rattachées à un sujet : on ne sait plus finalement qui ressent, par contre on sait ce qu’on ressent. C’est ce que semble nous dire Jon Fosse, « il n’y a pas de toi et de moi». La notion d’individu, sur laquelle chacun se construit, est balayée. Si on accepte cette idée, la mort devient alors extrêmement dérisoire: puisqu’il n’y a pas de toi et de moi, qui meurt?

Ainsi, l’identité du corps, marqué par sa propre finitude, revêt une importance moindre que toutes les sensations qui la traversent et qui lui survivront. Les trois acteurs qui s’emparent du texte de Matin et soir ne représentent donc pas chacun un personnage du texte, mais chacun un pôle de sensations, prenant en charge chacun une partie du récit, une partie de la « collection » de sensations, pour la laisser glisser délicatement, entre eux et entre les spectateurs.

Et comme le texte nous parle de l’existence, chaque mot prononcé doit être lourd de tout son poids, de toutes ses sonorités, il doit exister d’abord en tant que mot avant que chacun traduise ce qu’il signifie. Le texte n’est donc proféré qu’aux limites… limite de l’audible, limite de la compréhension, de la rapidité, de la lenteur. Ainsi, sans passer par l’intellect, il vient toucher directement les spectateurs… comme la musique ou les vérités insaisissables. Matin et soir est joué dans les suspensions, entre les mots qui tombent et retombent, dans les silences de l’existence.

— dates

Théâtre 2.21
du 29 mai au 17 juin 2007
www.theatre221.ch

— Téléchargements

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