L’âge de frémir
«Autrefois, je me souciais peu des vieillards; je les prenais pour des morts dont les jambes marchent encore.»
— Simone de Beauvoir
Il y a des âges et des périodes de la vie où l’on frémit, jouit ou s’émeut davantage que d’autres. Il y a des âges dont on n’attend plus guère de frémissements. Et il y a ce moment terrible au cours duquel on guette le « dernier » frémissement.
Les êtres qui hantent L’âge de frémir ne sont pas encore vieux. Pourtant, le grand âge leur plaît. Prenant à contre-pied les injonctions contemporaines selon lesquelles il faudrait rester jeunes, compétitifs et sexy le plus longtemps possible, ils et elles empruntent délibérément les traits de vieillardes et de vieillards, afin de partir à la découverte de ce privilège ultime : avoir toute la vie derrière soi, ce moment précieux où « l’on est enfin vraiment libre », comme l’a écrit Le Clézio. C’est la quête de cette liberté qui est au cœur de cette pièce impertinente, qui prétend rendre la mort et la vieillesse désirables.
— Générique
Conception et mise en scène Guillaume Béguin, avec l’équipe artistique
Interprétation Julie Cloux, Joëlle Fontannaz, Céline Nidegger, Simon Terrenoire
Scénographie, construction et lumière Victor Roy
Vidéo et lumière Laurent Schaer
Musique Louis Jucker
Costumes Zouzou Leyens
Perruques et masques Cécile Kretschmar
Collaboration artistique Valerio Scamuffa
Son David Scrufari
Couture Isabelle Airaud, Aline Claus, Sarah Bru
Direction technique Mikaël Rochat
Régie générale Grégory Ferreux
Régie plateau Benjamin Müller
Photos Chloé Cohen
Production déléguée Compagnie de nuit comme de jour, Laure Chapel – Pâquis Production
Coproduction La Grange Centre/ Arts et Sciences / Unil, Maison Saint-Gervais
Soutiens Affaires culturelles du Canton de Vaud, Ville de Lausanne, Loterie romande, Fonds culturel de la Société Suisse des Auteurs (SSA), Fondation Ernst Göhner, Pour-cent culturel Migros, Fondation suisse des artistes interprètes SIS, en cours.
Remerciements Pierre Maillet, Margot van Hove, Guillaume Miramond, Jean-Louis Johannides, Francis Mobio, Yannis Papadaniel, Alexandre Lambelet, Valérianne Poidevin
— dates
Saison 24-25
La Grange-Unil / Lausanne
29 avril – 4 mai 2025
www.grange-unil.ch
Saison 25-26
Maison Saint-Gervais / Genève
29 octobre – 2 novembre 2025
www.saintgervais.ch
Théâtre ABC / La Chaux-de-Fonds
6 – 7 novembre 2025
www.abc-culture.ch
— Photos du spectacle
© Chloé CohenNote d’intention
En m’attaquant à la question du vieillissement et de la mort, j’aurais pu concevoir une pièce sur la façon dont nous organisons la fin de vie dans nos sociétés utilitaristes et libérales, sur les établissements médicalisés, la sociologie de la mort, le sénilité, etc. Je me suis bien sûr documenté sur tout ça. Mais à mesure que nous écrivions collectivement et que nous répétions L’âge de frémir, j’ai compris ce qui m’intéressait vraiment dans le fait de représenter sur scène des vieillardes et des vieillards… Davantage que de simples « pré-cadavres » ambulants, d’autres présences ont surgi derrière leurs rides, leurs tremblements, leurs oublis et leurs petites infirmités. Comme des chamans, ils et elles ont fait apparaître les fantômes de celles et ceux que j’ai perdus, ou que les personnes que j’aime ont perdus, les êtres « pas encore nés » qui m’accompagnent fantasmatiquement, les ancêtres lointains dont je porte les gènes et dont les affects m’ont été transmis, ou d’autres absents que je fréquente plus ou moins assidument. Car nous entretenons toutes et tous (parfois même sans nous en rendre compte) des interactions réelles ou imaginaires avec quantité d’êtres invisibles et impalpables. Qu’ils soient vieux, jeunes ou sans âge, peu importe : ils agissent sur nous, en travaillant nos gènes, nos souvenirs, nos fictions, nos fantasmes.
Comme nous vivons dans un monde anti-onirique, qui considère que les rêves ne sont pas réels, nous prenons cela rarement au sérieux ! Pourtant, dans les civilisations chamaniques qui ont précédées la nôtre, et dont nous sommes les héritiers, le dialogue avec les morts, les autres animaux, les plantes, les montagnes ou les dieux, était tout à fait possible, et même courant !
À travers ces vieillardes et ces vieillards frémissants, nous célébrons donc cette porosité avec nos ancêtres et nos fantômes, restés parfois coincés ici ou là dans nos vies depuis quelques générations, en attendant que quelque chose libère la charge qu’ils contiennent — en les représentant au théâtre par exemple ! Car comme l’écrit la philosophe Vinciane Despret, « les morts ne le sont vraiment que si on cesse de s’entretenir avec eux ». C’est donc cet « entretien » (au double sens du mot) qui est devenu le sujet de L’âge de frémir, et les chamans que nous représentons sous les traits de ces vieillardes et de ces vieillards deviennent des interprètes qui rendent visibles ce que nous n’avons pas (ou plus) l’habitude de voir, et qui font exploser l’agentivité de notre mémoire, de notre enfance, de notre origine – ou de notre destin.
Mais ce que j’ai surtout envie d’explorer à travers cette pièce, c’est cette force, ce pouvoir inouï: celui de frémir encore et toujours, quel que soit son âge, et que l’on soit, d’ailleurs, mort ou vivant !
Guillaume Béguin, mars 2025
— dates
Saison 24-25
La Grange-Unil / Lausanne
29 avril – 4 mai 2025
www.grange-unil.ch
Saison 25-26
Maison Saint-Gervais / Genève
29 octobre – 2 novembre 2025
www.saintgervais.ch
Théâtre ABC / La Chaux-de-Fonds
6 – 7 novembre 2025
www.abc-culture.ch