En même temps
d’Evguéni Grichkovets
« Un chat ou un chien, c’est beau en entier, mais séparément, c’est-à-dire en morceaux, c’est horrible. »
— Evguéni Grichkovets
A voir le monde tourner à toute vitesse, les trains sillonner les campagnes, les avions voler dans le ciel, on s’imagine comprendre et maîtriser le temps. Au milieu de ce brouhaha incessant, on passe sa vie à attendre de grandes émotions, comme le passage à l’an 2000 ou un tête-à-tête avec son tableau préféré. Et puis soudain, on apprend que les cheminots qu’on croyait héroïques parce qu’ils traversaient toute la Russie effectuent en fait de minables allers-retours. De même, en voyant pour la première fois dans un musée la peinture qu’on affectionne depuis des années sur une reproduction, on ne ressent rien.
Ce peut-il qu’au lieu des grands rendez-vous de l’existence ce soient les petits détails insignifiants du quotidien qui provoquent en nous les plus profonds bouleversements et façonnent notre rapport au monde? Comment faire partager ces moments inopinés où l’émotion nous assaille et où l’on se sent vraiment vivant?
Seule face au public, une femme travestie en homme tente de mettre des mots sur cette incroyable révélation. Enchaînant les anecdotes désopilantes tirées de ses souvenirs d’enfance ou de ses observations du quotidien, la narratrice semble se perdre dans les méandres de son discours et de ses associations d’idées souvent absurdes. Grâce à son étonnante lucidité, elle parvient néanmoins à dresser un portrait à la fois drôle et profond, tendre et sarcastique de l’homme contemporain, de sa relation à l’Histoire et à son destin. Tantôt homme tantôt femme, elle entraîne le spectateur dans une réflexion sur les multiples visages que chacun de nous peut porter en lui en même temps ou successivement.
— Générique
EN MÊME TEMPS — Evguéni Grichkovets
Traduction Arnaud Le Glanic
Mise en scène Guillaume Béguin
Jeu Virginie Lièvre
Scénographie Philippe Daerendinger
Lumières et régie Dominique Dardant
Costumes Coralie Chauvin
Maquillage et coiffure Sorana Dumitru
Son Filippo Gonteri
Administration Magda Rozga
Photos Hélène Göhring
Presse Emilie Jendly
Production Compagnie de nuit comme de jour
Coproduction Centre de Culture ABC – La Chaux-de-Fonds
En même temps est publié aux Solitaires Intempestifs
avec le soutien de la Loterie Romande, de la Ville de La Chaux-de-Fonds, de la République et Canton de Neuchâtel, de la BCN – Fondation culturelle, de Ernst Göhner Stiftung et du Pour-cent culturel Migros
— dates
Centre de Culture ABC
du 4 au 8 mars 2009
www.abc-culture.ch
Caves de Courten
12 mars à 2009
www.cavesdecourten.ch
Le Bourg
du 24 au 29 mars 2009
www.le-bourg.ch
— Photos
© Hélène GöhringNote d’intention
Ce qui m’intéresse au théâtre depuis Matin et soir de Jon Fosse que j’ai mis en scène en 2007, c’est la question de l’identité. Ce que j’identifie comme étant MOI (ma personnalité, mes croyances, mes valeurs, mon caractère extraverti ou introverti etc), ce n’est peut-être en fait pas tout à fait moi. D’ailleurs, les autres ne me voient pas toujours comme JE me vois. Et lorsque je me regarde filmé en vidéo, ou simplement photographié, je ne suis pas toujours certain de me reconnaître. Et si je rencontrais aujourd’hui celui que je serai dans vingt ou trente ans, il n’est pas certain que je ME reconnaîtrerais. Et quand je communique, quand j’explique ce que je pense ou ce que je ressens, j’ai quelquefois l’impression que je ne dis pas tout à fait la vérité, ou que quelqu’un d’autre parle à ma place, ou en tout cas que je ne dis qu’une infime partie de ce que je pense ou ressens réellement. Une toute petite partie. C’est-à-dire pas grand chose, finalement, de ce que je pense être MOI. MOI, au bout du compte, c’est à la fois moi et tout le monde, et peut-être aussi personne. JE suis dilué. JE suis plusieurs. JE ne suis PAS.
Si au cinéma cette question a souvent été abordée (je pense notamment aux films de David Lynch), au théâtre on se heurte inévitablement à la question de la présence de l’acteur, en direct, sur le plateau. On a beau laisser l’acteur dans l’ombre, brouiller les pistes, mettre des fumigènes, il est toujours là, face au public qui ressent sa présence à chaque instant, et qui l’identifie comme une personne (ou un personnage), définie, entière et plus ou moins cohérente.
Comment dès lors rendre compte théâtralement de cette « chimère » du MOI soi-disant défini et cohérent ? Il m’a semblé que le travesti pourrait être une bonne piste. Ce qui est « magique » avec le travesti, c’est que l’on y voit à la fois le sexe originel et l’autre sexe, celui qui est joué. Dépositaire de deux identités sexuelles, le travesti a au moins deux visages superposés. Le texte de Grichkovets, de son côté, est constitué d’une succession d’anecdotes, étroitement tissées entre elles. Autant de facettes d’une même personnalité, mais qui au final sont tellement nombreuses qu’inévitablement on se pose la question : et si toutes ces anecdotes, ces tentatives de s’approprier le monde et d’en rendre compte afin de le ressentir et de dire qu’on existe ne constitueraient pas le plus terrible des aveux ? Celui qui consisterait à dire que je ne peux pas me définir sans mentir, sans revêtir une fausse identité, que JE n’est pas MOI ?
— dates
Centre de Culture ABC
du 4 au 8 mars 2009
www.abc-culture.ch
Caves de Courten
12 mars à 2009
www.cavesdecourten.ch
Le Bourg
du 24 au 29 mars 2009
www.le-bourg.ch